Eurasie 2010 : Les steppes

Bon, c’est bien joli tout ça, mais nous avons donc devant nous une semaine et la Mongolie ne se résume pas à Oulan Bator, loin de là! Nous décidons donc de casser le cochon en prenant un tour organisé en 4×4 durant 9 jours et 2200 Km en boucle de l’Arkanguai au désert de Gobi, 90€ par jour tout compris avec le chauffeur et la guide⁄cuisinière.

Nous avons décidé de partir du jour au lendemain lorsque nous avons tenté d’aller à pied au palais d’hiver et que nous n’avons jamais respiré autant de gasoil de toute notre vie! La pollution est omni-présente à Oulan Bator, qu’elle soit atmosphérique ou sonore! Nous allons donc au distributeur automatique pour retirer la somme de 800€, équivalent colossal DE 2 000 000 de tougriks! Première tentative limitée à 250 000 tougriks, ça commence bien! Heureusement, nous n’avons aucune commission, nous recommençons donc mais le total des retraits est limité à 400 000 tougriks! Croyez moi, nous avons passé 2 heures à ratisser 5 banques différentes! Au final, nous arrivons à l’agence comme des Américains avec une liasse bien épaisse et comptons les billets de 1000 comme si c’était des dollars!
Un 4×4 nous attendait le lendemain matin à 8h00 comme prévu, nous rencontrons à notre grande surprise une charmante guide francophone dénommée Sachka (une guide anglophone était initialement prévue) et notre chauffeur Otro. C’est le grand luxe, le 4×4 est moderne et très confortable, mais pas question de s’endormir, les steppes glacées nous attendent! La ville est bruyante, polluée et la visibilité n’est que d’une centaine de mètres, mauvaise journée pour commencer nous dit-on lorsque par miracle à la sortie, les montagnes apparaissent et un soleil magnifique perce la brume! Le dernier panneau du séjour indique l’étape suivante à 630 Km et laisse présager la fin proche du goudron au profil des seules et multiples traces dans la neige avec pour seul GPS, le pifomètre du chauffeur. Otro justement a conduit dans les steppes toute sa vie car il était chauffeur de bus entre deux villes « notions toute relative en Mongolie dont le terme le plus juste serait plutôt village fait de bric et de brac! » éloignés. Notre guide Sashka, quant à elle, était musicienne professionnelle d’instrument traditionnel “chants” (plusieurs tournées en Europe tout de même) avant d’aller étudier en Suisse plusieurs années avant de revenir en Mongolie afin de s’y établir définitivement.
Nous roulons depuis quelques heures et les vallées ne cessent de s’agrandir ponctuées de montagnes si érodées qu’aucune arête ne casse la douce harmonie de leurs contours, comme si elles fondaient! Les premiers chevaux, yacks et mêmes chameaux apparaissent dans ce désert glacial, le soleil arrose la neige finement déposée et donne un effet argent lumineux au paysage. Nous croisons également un nombre conséquent de jeunes cadavres congelés en quelques heures, laissant croire qu’ils se reposent paisiblement. Cet hiver est exceptionnellement froid à tel point que l’aide internationale commence à arriver, certains éleveurs ont perdu en une seule nuit la totalité de leur troupeau s’élevant à plusieurs centaines de têtes. Nous arrivons en fin d’après midi de ce premier jour à un petit monastère, lieu de pèlerinage bouddhiste avant que les communistes ne brûlent tout lors de la révolution dan les années 30.
Nous passerons notre première nuit chez une famille ‘touristique’, éleveurs de chevaux. Nous essayerons par ailleurs, au grand malheur de notre dos, fesses et appareil génital pour moi, la traditionnelle selle mongole, fabriquée uniquement en bois et qui ferait renoncer n’importe quel cowboy à l’équitation! Le temps est également un peu frisquet (environ -20°C) pour faire du cheval mais j’ai eu le courage d’aller au galop jusqu’à la dune de sable totalement gelée et donc figée dont il était absolument impossible d’en escalader la face, tellement la paroi était dure et glissante! Nous dégusterons en récompense de succulents Buzz (sortes de gros raviolis fourrés cuits à la vapeur) à la viande de cheval. Un régal! Nous nous endormons dans la yourte au coin du poêle, emmitouflés dans 5 sacs de couchages!
Nous ne sortons pas de nos lits le matin du second jour, avant que le poêle n’est totalement réchauffé la yourte. Otro réchauffe le moteur du 4×4 au chalumeau (!!!!!) et nous nous mettons en route vers Karakorum, ancienne splendide capitale de l’empire Mongol sous Gengis Khan. L’intérêt actuel réside uniquement en son monastère et sa grande enceinte ponctuée de Stûpas. Le bouddhisme est tibétain en Mongolie et les étudiants jonglent entre l’écriture Tibétaine des textes sacrés et l’écriture cyrillique de tout les jours prononçant la langue Mongole. Nous continuons la route dans l’Overkangai vers l’Arkangai. Nous y choisissons notre première ‘véritable’ famille d’accueil parmi les quelques yourtes en vue sur notre chemin. L’accueil dans les familles des steppes est immanquablement accepté, contrairement aux villes où l’on y ressent un certain rejet, héritage de la sédentarisation. Cette famille s’avère particulièrement pauvre et les 15% de pertes du bétail subi en ce début d’hiver n’arrange rien à leur situation. Les mongols semblent un peuple digne notamment dans la misère où l’on y a aucunement rencontre de mendiant. Nous grimpons au sommet de la colline pour admirer un fantastique panorama et le coucher de soleil sous un vent puissant au climat particulièrement doux. Nous profitons pleinement de cette famille avant l’arrivée fortuite du maire du village environnant accompagne de quelques autres administrés et docteur. La scène qui suivra est stupéfiante, ces personnes arborent des signes de richesse ostentatoires (bijoux et textiles) et se permettent de s’asseoir où bon leur semblent en tout premier lieu et de se faire offrir à manger. Le but initial est d’aider les plus touchés par la vague de froid meurtrière et de vérifier l’état de santé, la politique fait ensuite son œuvre, l’aide se limite à un tableau excel établissant les pertes de bétail et le docteur ne touche même pas les enfants!
Nous continuons notre route vers un petit monastère isolé et perché sur une montagne marquant la frontière entre la région de l’Ovorkanguai et de l’Arkanguai, où une quinzaine de moines passent l’hiver en autarcie. La route est si enneigée qu’il nous faudra continuer à pied dans la neige durant près d’une heure, la récompense est au rendez-vous par l’accueil du maître lama qui nous offre à manger tout en étant étonné de notre venue, nous sommes les premiers visiteurs depuis plusieurs mois! Nous bavardons durant une bonne heure avant de sortir de la yourte pour visiter le monastère perché. Nous restons hilares de la scène du lama qui se prépare en vérifiant son téléphone portable et mettant ses lunettes de soleil RayBan genre police Américaine!! La modernité n’est jamais bien loin! Par ailleurs, quasiment toutes les yourtes sont équipées de panneaux solaires ou éoliennes bricolés rechargeant des batteries de voiture pour alimenter téléviseurs, téléphones portables et ampoules a économie d’énergie! Je prie le lama de grimper tout en haut de la colline (interdit aux femmes, enfin un lieu de tranquillité!!!!) pour admirer le panorama à 360 degrés. Lama Rayban grimpe la paroi comme un écureuil malgré sa cinquantaine, je suis avec bien moins d’assurance avec Yulia qui m’encourage par des ‘Tu est fou, tu vas te tuer!’. J’en profite pour aider lama RayBan à virer le yack qui squatte en haut du sanctuaire et qui fait tourner en bourrique lama RayBan depuis ce matin autours du Ovo (amas de pierre sacré)! Nous reprenons la route après avoir fait bien peur à Otro avec nos deux bonnes heures de retard et croisons un magnifique troupeau de chevaux qui semblent sauvage. Nous nous enneigeons deux fois avant d’atteindre la rivière qui en une seule nuit avait fondu ne laissant comme seule passerelle qu’une fine couche de glace saupoudrée de gigantesques cristaux de glaces posées comme des mines! Otro est inquiet, je propose d’alléger le véhicule de nos corps (200Kg) pour tenter une traversée qui échouera au 2⁄3 après avoir traversé la glace. Nous reposons nos 200Kg sur la banquette afin d’appuyer les roues arrières sur le fond du guêt et arrivons à nos fins après avoir bien fait fumer le pot d’échappement et retirée au maximum l’eau avant qu’elle ne gèle sur des parties mécaniques sensibles. La nuit tombe et aucune yourte à l’horizon, il fait quasiment nuit noire et la piste ne se distingue que difficilement.
Tout à coup, Otro, œil de lynx, discerne un brun de lumière au pied de la montagne et nous précipitons dessus, la famille accepte!! Ce jeune couple d’une beauté flamboyante (Yulia a encore les yeux qui pétillent du bonhomme aux bottes et ceinture magnifiques!) reçoit pour la première fois des étrangers sous leurs toits et restent très sauvages envers nous. A notre grande gêne, ce couple insiste pour que nous dormions dans leur lit alors qu’ils passeront la nuit sur le sol, nous sommes honorés!
Matin du 4eme jour, nous repartons après plusieurs tranches de pain au nutella (local!) et du thé au lait pour nous diriger vers le sud pour rencontrer le désert de Gobi. Nous embarquons la jolie femme du top model avec son bidon de Kumiss (lait de jumeau fermenté à 3 degrés d’alcool au goût terriblement special voire degueu pour certains!!) sur le toit pendant que ce dernier nous suit on Moto. Le vent souffle et emporte la neige fine sur son chemin rendant la piste invisible. Nous nous enneigeons deux fois à cause de cela avant que le sauveur à moto nous indique acrobatiquement le chemin à suivre.
Nous arrivons ‘malheureusement’ dans un village pour passer la nuit; Otro et Sahka peinent à trouver notre 4-ème famille d’accueil en enchaînant les refus. Ortro réussit à revenir par hasard chez une famille de mécanicien qu’il avait auparavant déjà fréquentée. Encore une fois, nous avons la chance de tomber sur un jeune couple fraichement marie. En début de soirée, toute la famille se réunit dans la petite yourte du fils afin de fabriquer 1000 Buzz pour préparer la fête du nouvel an lunaire, quelle chance dans les deux sens du terme! Tout d’abord c’est un moment inoubliable que nous vivons ici, quasi unique, mais INTERMINABLE! 100Buzz, ça va, c’est cool! 300 on rigole déjà moins, mais 1000, bon sang c’est long!!!!!!!
Chaque membre a une fonction, entre celui qui pétrit la pâte, celui qui l’aplanit et découpe les rondelles et le reste qui fourrent la pâte par un mélange de viande finement hachée et d’un mélange d’épices et d’oignons. Une fois une planche terminée, il suffit de la déposer dans la cabane au fond du jardin (non pas les toilettes!) et de laisser la température extérieure congeler le tout!
Nous repartons le 5-ème jour pour effleurer enfin le désert de Gobi, le temps d’un petit roupillon à l’avant au son de musique folklorique telles que ‘Ma baker’ et les paysages c’étaient aplanis, la végétation s’assèche et le sable se mêle à la neige. Une petite halte chez une famille nombreuse pour déjeuner et nous atteignons l’immensité du désert. Malheureusement, nous avons dû faire un grand détour et sacrifier le plus beau du désert de Gobi à savoir les grandes dunes car la fournaise Gobi est inaccessible pour cause de … neige!!!!!!!!!! Il est d’ailleurs simple de savoir d’où souffle le vent dominant, la neige mélangée au sable se réfugie derrière chaque obstacle, petit ou grand! Otro réussit un grand exploit en parcourant une distance énorme sans aucun point de repère ni traces fiables, et dieu sait à quel point il était inquiet de ne pas trouver le village avant la tombée de la nuit!
Heureusement, la bonne grosse et grasse fumée noire du charbon de l’usine thermique du village nous a guidés comme un phare! Pour une fois que je suis content que l’on pollue tant! La 5-ème famille dépasse toutes nos espérances bien quelle soit un exemple trop moderne pour être authentique avec l’électricité dans la yourte, la machine à laver, la bouilloire, la télé et l’ordinateur!! Cette famille est magnifique, notamment la petite qui imite Yulia sur chaque photos!
Nous nous rendons à l’aube (lever à 9h!) à la pointe la plus au sud de notre périple: Yolin Am. Encore une fois le parking d’été est inaccessible en hiver et faisons une difficile randonnée dans la neige pour atteindre une curiosité qui n’a rien d’exceptionnel en hiver, un petit lac gelé!!!!! Le cadre est néanmoins exceptionnel par ce temps magnifique, la cascade de glace et les formations de glaces sur le petit lac sont saisissants. De petits rongeurs aux cris ressemblants à une marmottes ayant chopé une angine ponctuent notre progression. Bien que la glace soit ‘craquante’ pour trop s’y aventurer dessus, cette excursion restera une des plus belles!
6-ème yourte touristique avant de prendre la route vers notre point de départ au nord, Oulan Bator. Nous passons par le Bayan Zag aux dunes peu impressionnantes (comme si elles avaient été déposées par la main de l’homme tellement il y en a peu et sont au milieu de nulle part) mais aux formations rocheuses extraordinaires. C’est en cet endroit que la plupart des célèbres squelettes de dinosaures du Gobi ont été découverts.
Nous passerons la nuit dans un famille ULTRA touristique qui essayait de nous vendre des chameaux en peluche made in china et nous épater avec des os de dinosaures aussi véritables que mon slip fabriqué a la main en France! En parlant de chameau, ils venaient d’en tuer un, juste avant qu’on arrive, je vous passe l’odeur du sang chaud et le nettoyage des intestins!
La différence majeure avec ce genre de famille et une authentique est que cette première se sent très voire un peu trop à l’aise avec nous! Rebelote, nous fabriquons les Buzz que nous engloutirons immédiatement après en quelques minutes. Nous rencontrons le deuxième panneau de notre périple sur la route qui nous mène vers notre dernière famille touristique: la fille qui apprend le Français depuis peu et dont sa raison principale est…qu’elle trouve jolie la tour Eiffel, raison un peu limite qui semble malheureusement convenir a beaucoup de jeunes trompés par les étincelles de la petite capitale.
« de 7 »